Le symposium international et interdisciplinaire « IA et santé mentale », organisé par Amandine CAYOL (ICREJ) et Gaël DIAS (GREYC), s’est tenu lundi 29 et mardi 30 janvier 2024. Il a réuni près d’une centaine de personnes, intervenants et publics confondus, universitaires et professionnels.
S’inscrivant dans le cadre de la Fédération Hospitalo-Universitaire A2M2P (Améliorer le pronostic des troubles Addictifs et Mentaux par une Médecine Personnalisée), cet évènement était organisé sous le patronage de la Commission nationale française pour l’UNESCO, en partenariat avec l’EREN et le Pôle TES.
Environ 150 personnes ont assisté aux communications, dont de très nombreux acteurs régionaux dans le domaine de la santé, des représentants de collectivités territoriales, des universitaires et des étudiants de disciplines variées. Ce colloque avait en effet pour objectif d’initier un dialogue entre informaticiens, professionnels de santé et chercheurs en sciences humaines et sociales (droit, sociologie, philosophie) sur les enjeux du développement de l’IA dans le domaine de la santé mentale.
La manifestation a également bénéficié d’une couverture médiatique nationale (par ex. Sciences et Avenir, Le Monde) au regard des forts enjeux sociétaux de la thématique traitée.
Le succès rencontré par le symposium a conduit à décider de sa pérennisation tous les 2 ans.
Argumentaire scientifique
La santé mentale est un enjeu majeur de société. Il s’agirait même en France du premier problème de santé publique, devant les maladies cardio-vasculaires et les cancers. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une personne sur trois vivra en effet un trouble psychique au cours de sa vie.
Le développement des usages de l’intelligence artificielles (IA) en santé mentale est porteur d’importants espoirs d’amélioration de la lutte contre les troubles psychiques. Il participe de l’avènement d’une médecine dite 6P (préventive, prédictive, personnalisée, participative, preuve, parcours). Il s’agit, par exemple, de détecter de manière précoce les personnes potentiellement à risque de développer des troubles psychiques, notamment par une analyse multimodale éventuellement couplée à des agents conversationnels incarnés. Des modèles d’apprentissage profond sont aussi développés pour catégoriser les patients grâce à des outils de diagnostic dans un but prédictif. Ces techniques peuvent aussi permettre de personnaliser les traitements en réalisant des recommandations (programmes de méditation, etc.).
Ce recours croissant à l’intelligence artificielle n’est pas, toutefois, sans soulever de nombreuses questions juridiques et éthiques. Quelle est l’acceptabilité sociale de telles pratiques ? Comment s’assurer du consentement éclairé des patients, souvent particulièrement vulnérables ? Comment encadrer l’utilisation des données des patients ? Comment sécuriser les outils d’IA ? Comment développer un encadrement éthique des outils d’IA en santé mentale ?
Telles sont les questions auxquelles ce symposium s’est proposé de répondre en engageant une réflexion pluridisciplinaire entre informaticiens, professionnels de santé, juristes, sociologues, philosophes et éthiciens.
Résumé du colloque
Chaque matinée a été consacrée à la présentation de recherches mêlant IA et santé mentale par des informaticiens et des médecins. Ont, par exemple, été exposés une étude de la coordination interpersonnelle de patients souffrant de schizophrénie en interaction homme robot, une analyse automatisée du discours libre pour le repérage précoce des troubles psychotiques, l’apprentissage multitâche pour la détection de la dépression dans les dialogues, ou encore la prédiction précoce des risques sur Internet.
Les deux après-midis ont, quant à elles, permis de réfléchir aux enjeux juridiques et éthiques du recours à l’IA en santé mentale. Le premier après-midi, une comparaison internationale de la réglementation des outils d’IA en Europe, Outre-Atlantique et en Asie a précédé l’analyse approfondie des règles applicables en France concernant notamment la protection des patients les plus vulnérables. Le second après-midi, dédié à l’encadrement éthique de l’IA en santé mentale, a offert l’occasion de débattre sur son acceptabilité sociale, sur l’importance du principe de garantie humaine et sur la nécessaire protection des droits fondamentaux des patients.
Amandine CAYOL,
Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles
Le colloque est à retrouver en vidéo sur la Forge numérique
L’acceptabilité sociale de l’IA en santé mentale par Yannis Constantinides (Professeur de philosophie et d’éthique appliquée, Espace éthique IDF et Paris III)
Sécuriser les outils d’IA en santé mentale (France et UE) par Thibault Douville (Professeur de droit privé, Directeur du Master Droit du numérique, Université de Caen Normandie)
Psychiatrie prédictive et préventive : différents projets de la FHU A²M²P par Gaël Dias (Professeur en informatique, GREYC, Université de Caen Normandie)